domingo, 5 de junho de 2016

S. Courtois e o “relatório Khruschov”


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Historiador que escreveu o prefácio e coordenou O livro negro do comunismo (1997), cofundador e diretor da revista francesa Communisme desde 1982, diretor de pesquisa no CNRS (Centro Nacional de Pesquisa Científica) da França e professor do Instituto Católico de Estudos Superiores (ICES), Stéphane Courtois comenta o famoso “relatório secreto” lido por Nikita Khruschov no 20.º Congresso do Partido Comunista da União Soviética (PCUS). Foi na sessão de abertura do seminário “Héritage et mémoire du communisme en Europe” (Herança e memória do comunismo na Europa), intitulada “Le lourd héritage totalitaire du communisme dans l’espace européen” (A pesada herança totalitária do comunismo no espaço europeu) e organizada no dia 4 de março de 2009 na Fondation pour l’innovation politique (Fundação para a Inovação Política).

Courtois nasceu em 1947 e entre as décadas de 1960 e 1970 militou num grupo maoísta antes de se formar em direito e história e defender tese sob a orientação de Annie Kriegel, acadêmica famosa por sua posição anticomunista. Tendo estado várias vezes nos arquivos de Moscou entre 1992 e 1994, ficou célebre com seus trabalhos extremamente críticos aos regimes comunistas, notadamente O livro negro do comunismo, tributários das reflexões de Kriegel, François Furet e Ernst Nolte. Pró-americano assumido, sempre em polêmicas sobre totalitarismo, liberalismo, comunismo na França e comparações entre bolchevismo e nazismo, escreveu ou dirigiu também, entre outras obras em várias línguas, Eugen Fried, le grand secret du PCF, Dictionnaire du communisme e Le Bolchevisme à la française.

Eu baixei o vídeo sem legendas do canal YouTube da própria Fondation pour l’innovation politique, então traduzi a fala e legendei. As informações sobre Stéphane Courtois são da Wikipédia em francês. Mais abaixo do vídeo legendado está a fala de Courtois transcrita por mim, para os estudantes de francês, evitando onde possível as reticências e as expressões mais orais:


On a été là, entre 44-45 (quarante-quatre, quarante-cinq) et 53-56 (cinquante-trois, cinquante-six), dans des périodes de « totalitarisme de haute intensité » : véritablement les régimes ont tenté d’imposer complètement leur projet utopique, la collectivisation, l’industrialisation lourde, accélérée, forcée, l’idéologie obligatoire etc., avec la terreur à la clé. Et puis, après 56, on a assisté à ce que j’appelle un « totalitarisme de basse intensité », c’est-à-dire qui est moins violent, qui va moins loin dans l’application de ses principes, mais qui néanmoins reste du totalitarisme, et surtout est géré par les mêmes personnes. Il faut jamais oublier ça.

On nous parle de déstalinisation, j’en vais dire : « C’est une vaste rigolade ». Vous prenez l’URSS : quelle déstalinisation ? En portant la tête du Parti à M. (monsieur) Khrouchtchev, qui est couvert de sang, maintenant que nous avons beaucoup d’archives sur Khrouchtchev, il y a une très bonne biographie sur Khrouchtchev par l’Américain Taubmann. Cet homme est couvert de sang des pieds à la tête. Il faut quand même rappeler que Khrouchtchev, c’est l’homme qui a inauguré la Grande Terreur à Moscou, qui a tellement bien réussi que Staline en a fait son chouchou, il l’a envoyé prendre en main l’Ukraine, où ça se passait mal, il est arrivé début 38 (trente-huit) en Ukraine et là... Bon, là la Grande Terreur a commencé à faire des dégâts, et puis... La Pologne orientale, quand elle a été annexée, a été annexée à l’Ukraine. Qui s’est occupé de cette annexion ? M. Khrouchtchev. Qui s’est occupé de faire déporter plus de 60 000 (soixante mille) personnes, qui étaient les familles des officiers polonais ? M. Khrouchtchev. Les femmes et les enfants essentiellement.

Donc, quand on dit... Au même moment quand M. Khrouchtchev a donc pris la direction du Parti et a fait ce fameux XXe Congrès avec ce fameux « rapport secret » dénonçant Staline, qui était à la tribune à sa droite ? Le nouveau chef du KGB, M. Ivan Sérov, un homme couvert de sang des pieds à la tête, responsable de la plus grande opération de déportation de l’histoire mondiale, je vous le rappelle quand même : en cinq jours de février 1944 (mille neuf cent quarante-quatre), 520 000 (cinq cent vingt mille) Tchétchènes déportés. On a mobilisé pour ça 100 000 (cent mille) hommes des troupes du NKVD, plus tous les trains, les camions etc., en pleine guerre. Bon, donc voilà, lors on me disent « déstalinisation », je dis : « Soyons sérieux cinq minutes ! »

Je voudrais rappeler cette remarque de Khrouchtchev lors de son « rapport secret » de 56 (cinquante-six). Un moment donné, l’un des seuls moments où il aborde les crimes de masse, il parle de l’Ukraine, sans rappeler qu’il en était le patron d’ailleurs, et voilà ce qu’il dit : « Staline voulait déporter tous les Ukrainiens, mais les Ukrainiens », je le cite, « n’evitèrent ce sort que parce qu’ils étaient trop nombreux. » Ah oui ? Bon, là il y a un problème d’échelle : quand il faut déporter 500 000 (cinq cent mille) Tchétchènes, ça va, mais quand on a 35 (trente-cinq) millions de Polonais, c’est plus compliqué, ou 38 (trente-huit) millions d’Ukrainiens, c’est pareil. Donc: « Ils étaient trop nombreux et qu’il n’y avait pas d’endroit où les déporter. » Ah, oui, c’est vrai, il faut s’y penser à ce petit détail, où va-t-on les transporter... Et il conclut: « Sinon ils auraient été déportés eux aussi... ».

Maintenant que nous connaissons en détail l’opération du XXe Congrès, que nous savons que le fameux « rapport secret » n’est nullement comme on l’a longtemps cru, y compris des gens aussi compétents qu’Annie Kriegel, que c’était un « moment de lucidité » de Khrouchtchev, un « moment de sincérité », où à l’encontre de tout le Bureau politique il avait enfin dit les choses. Pas du tout ! Nous apprenons maintenant par les documents : c’est une opération soigneusement préparée, avec une commission du Bureau politique qui a préparé le travail, le Bureau politique se réunit, nous avons même le sténograme, nous l’avons publié dans la revue Communisme il y a déjà trois ou quatre ans... et donc voilà, et où les vieux Molotov, Vorochilov, Kaganovitch, les vieux staliniens, disent : « Oh là là, faut toucher rien, parce qu’on sait pas où on va si on ouvre la boîte de Pandore ! ». Où les jeunes, qui sont entrés au Bureau politique récemment et qui viennent de lire le rapport de la commission qui donne en détail les chiffres de la répression, sont effarés, en disant : « Mais c’est terrifiant, mais comment est-ce qu’on a pu faire une chose pareille ? » etc. Et Khrouchtchev, qui dit: « Mais de toute manière on n’était pas responsable, c’est Staline qui portera tout. »

Et la conclusion, c’est : amnésie et amnistie. C’est ça, l’opération est très claire, amnésie et amnistie : amnistie pour ceux qui sont responsables et amnésie pour la société. On n’a plus à parler de tout ça, c’est fini. On tourne la page, n’en parlons plus. Et je constate qu’ici il y a beaucoup de gens dans la gauche, dans l’extrême-gauche, mais aussi dans la gauche, malheureusement, qui sont sur cette position : n’en parlons plus, tournons la page. Et malheureusement ça s’est confirmé lors d’une fameuse séance du Conseil de l’Europe le 26 (vingt-six) janvier 2006 (deux mille six). Le Conseil de l’Europe n’a pas de pouvoir législatif, c’était simplement une recommendation morale, mais même ça on n’a pas pu le voter à la majorité qualifiée de deux tiers pour une recommendation, c’est-à-dire de faire porter l’accent, dans l’Europe nouvelle et réunifiée, sur la dimension criminelle du communisme. Ça n’a pas été possible. Évidemment toute l’extrême-gauche, tous les communistes ont voté contre, mais malheureusement les socialistes aussi.

Ça vous montre, je reviens à ce que disait Dominique Reynié au départ, ça vous montre le degré de blocage dans lequel nous sommes et le fait que nous sommes dans une véritable bataille, et c’est d’ailleurs pour ça que nous faisons, nous organisons ce séminaire seule cette année. Je m’excuse, j’ai été un peu long, mais c’est compliqué, c’est une question qui me passionne, mais qui est fondamentale pour l’Europe, parce que l’Europe est en train de se réunifier, elle se réunifie sur le plan politique, sur le plan juridique, administratif, sur le plan culturel bien sûr, sur le plan économique, mais il y a un plan sur lequel elle va avoir les plus grandes difficultés à se réunifier, c’est sur le plan de la mémoire et de l’histoire.


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